Instantané

Pendant longtemps, les nouvelles ont voyagé avec la sage lenteur des diligences et des bateaux à vapeur. Annoncer un évènement lointain trois semaines après les faits ne dérangeait personne. Le télégraphe, puis le téléphone ont formidablement amélioré la fraicheur des nouvelles qui parvenaient aux journaux. Mais ce n'est qu'avec le bélinographe (le "bélino" pour les habitués) que les images ont tant bien que mal réussi à recoller aux textes.
         

Placée sur un cylindre rotatif, la photo était parcourue par un mince faisceau lumineux qui traduisait par un son plus ou moins aigu les zones plus ou moins claires de l'image. Il n'y avait donc qu'à raccorder l'appareil au réseau téléphonique pour qu'une image prise à l'autre bout de la planète parvienne en France en quelques minutes. Mais les reporters devaient pour cela transporter avec eux, outre le lourd bélino, un laboratoire de développement et de tirage photo complet. Et la qualité du résultat pouvait être aléatoire. On raconte que le propriétaire d'un journal s'était indigné du flou d'une photo de une. "Elle nous a été transmise par bélino..." tenta d'expliquer le rédacteur en chef. "Eh bien ce M. Belino ne connaît rien à son métier, flanquez-le à la porte" asséna l'industriel.

 


    

Bidonnages

L'un est un titre national, l'autre un régional. Distribués en kiosques, ils avaient tous les dehors de véritables journaux. Il ne manquait, en fait, qu'un ingrédient : la vérité. Vaguement inspirées de l'américain Weekly World News (spécialiste des extraterrestres violeurs et autres chiens parlants) ces deux approches caricaturales de l'information, dont il est difficile de pleurer l'échec commercial, apportent la démonstration par l'absurde que ce n'est pas le papier ou l'encre qui fait un journal mais bien le rapport au réel et la façon dont on le traite. A une époque où les contenus plus ou moins incertains fleurissent sur Internet, cette valeur fondamentale de la "vraie" information mériterait peut-être d'être mieux mise en avant à condition d'être toujours affermie dans les pratiques professionnelles. Car la vérité, comme la justice ou l'égalité, fait partie de ces absolus dont on peut se rapprocher sans cesse mais jamais atteindre.