Relief

Le journalisme a existé avant les caractères en relief et s’est poursuivi après eux, mais l’âge du plomb, qui a duré plus de quatre siècles, reste l’ère bénie de son épanouissement, au point que même les journalistes qui ne l’ont pas connu (c’est-à-dire presque tous) en gardent la nostalgie.

Les choses étaient pourtant parties plutôt calmement : 150 ans après que Gutenberg eût mis au point sa presse à caractères mobiles, nul ne s’était avisé de l’utiliser pour imprimer des nouvelles. On allait bientôt se rattraper. Mais la lenteur des presses en bois resterait un sérieux frein jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Si la presse métallique Stanhope dite « à un coup » (il fallait jusqu'alors deux pressions successives aux presses en bois) améliora un peu la cadence, ce sont des inventions plus radicales - la presse à cylindre mue par la vapeur (1814) puis la rotative à papier continu (vers 1860) - qui allaient permettre l’essor des quotidiens modernes.

Mécanisé lui aussi, le principe de fondre un alliage de plomb dans des moules pour obtenir des lettres en relief a perduré pendant la plus grande partie du XXe siècle. Et comme les caractères usés étaient toujours refondus pour en former de nouveaux, il n’est pas interdit d’imaginer que le mélange avec lequel Le Monde composait encore ses pages en 1981 pouvait contenir quelques traces de celui avec lequel La Gazette imprimait les siennes en 1631.

Si elle a connu quelques perfectionnements depuis Gutenberg, cette presse du XVIIIe siècle (maquette) ne différait pas fondamentalement de celle avec laquelle Renaudot imprimait La Gazette cent ans plus tôt.

Les titres en plomb, comme ce beau bloc du Nouvelliste pesant plusieurs kilos, sont devenus très difficiles à trouver, étant voués à être perpétuellement refondus.

Le Magasin pittoresque avait beau présenter fièrement aux lecteurs de son numéro 48 la presse mécanique de Cowper, « la plus grande qui existe en France », sur laquelle il était imprimé en 1834, cette dernière, avec sa forme typographique plane (sous les rouleaux de pression) et son papier en feuilles (clairement visible à gauche), n'était pas encore une rotative. Il faudra encore quelques décennies pour qu'apparaissent les formes typographiques cylindriques et le papier en bobines.