Explosif


Rien ne l'annonce en couverture, et pourtant ce numéro de L'Express contient une leçon d'opiniâtreté journalistique... et une bombe politique qui conduira au procès de trois ministres, dont un premier ministre. Depuis plusieurs années, en effet, la journaliste Anne-Marie Casteret, incrédule, accumule les éléments prouvant que les centres de transfusion français diffusent des produits sanguins contaminés par le virus du sida.

Le titre reste mesuré : « Pourquoi ''tragédie'' et non ''scandale'', comme on me le demandera plus tard ? Parce que je crois encore, alors, à une incompétence, à un aveuglement général » expliquera-t-elle ultérieurement*. Mais la journaliste ne lâche pas la piste, jusqu'à révéler, en 1991, que les responsables administratifs et politiques savaient bel et bien que tous leurs stocks de produits sanguins étaient infectés.

Elle devra pour cela faire front au scepticisme de nombreux journalistes, mais aussi à une effarante accumulation de désinformations, de pressions et de critiques de la part de fonctionnaires, de politiciens et d'intellectuels : « Vous trouvez que nous exerçons mal notre métier, puisque que nous sommes rebelles à la version institutionnelle de l'affaire du sang. Nous maintenons. Les faits. Les dates. Les fautes. »*

*Anne Marie Casteret, « Lettre ouverte aux esprits faux », L'Express du 18 février 1999.

10 12 1987


(pp. 30-31)